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Pourquoi AWS, Azure et GCP dominent-ils le cloud public ?

On parle pas mal de souverainté numérique en ce moment, mais on cherche rarement à comprendre comment on en est arrivé à une telle hégémonie US sur les clouds publics

Cloud

Un web décentralisé, entre trois entreprises…

Les clouds US cités sont de bons produits, il serait malhonnête de dire le contraire et je travaille régulièrement avec. Mais l’hégémonie de ces clouds publics me pose un problème, une très grande partie du web repose sur 3 acteurs qui sont de plus des GAFAM. Les chiffres sont assez éloquents : AWS 41,5 %, Azure 29,4 % et GCP 3 % de parts de marché (selon l’infographie de visualcapitalist).

Parts de marché

Le web qui se voulait un exemple de décentralisation de l’information se centralise de plus sur des entreprises qui détiennent déjà beaucoup d’espace numérique. De plus, ils sont tous des géants américains, il n’y a aucune souveraineté au niveau des autres pays en particulier pour l’Europe et la France. Je ne parlerai pas du marché asiatique que je ne connais pas assez.

La souveraineté n’est pas le seul problème, ces plateformes ont la main sur la majorité du web et vont donc pouvoir à terme contrôler l’information au niveau mondial. On en a des exemples précis aujourd’hui, notamment de la part de Microsoft qui par l’intermédiaire de Github aide les autorités espagnoles à enrailler l’organisation des manifestants Source.

Mais il n’y a vraiment pas d’alternative locale à cela ? Oui, il y en a aujourd’hui, par exemple : OVH, Clever Cloud, Outscale, Scaleway ! Alors nous allons parler du sujet qui fâche, pourquoi ne sont-elles pas aussi populaires ?

Cloud francais

Un peu d’historique

Revenons quelques années en arrière tout d’abord. Les grands acteurs du web grossissent à toute allure avec l’explosion d’internet, cela leur demande de revoir leurs organisations et leurs stack techniques. Ils vont littéralement repenser l’informatique en interne, c’est ainsi que certaines bases du DevOps, l’utilisation massive d’API et surtout le cloud (tel qu’on le connaît) vont émerger, il découvre avant tout le monde l’informatique de demain.

On va s’intéresser à l’une de ses grandes entreprises, que vous connaissez forcément, car on y trouve de tout de A à Z (d’où le logo) sur leurs sites ; Amazon. Leurs sites connaissent des pics de charge conséquent et leurs équipes ont un gros besoin de flexibilité sur l’infrastructure, ils vont donc investir massivement dans un système de cloud privé ultramoderne. Ce système va se montrer très efficace et là Amazon va avoir une idée qui va les propulser au sommet des acteurs numériques : “Vendre le fruit de leurs travaux sur une plateforme de cloud publique”. Cette plateforme qui sera nommée Amazon Web Service pose les grandes lignes du cloud public moderne. Amazon va proposer de plus en plus de services entièrement managés par leurs soins, payable à la minute totalement contrôlable par API ! Une révolution dans le secteur où beaucoup vendaient surtout du serveur dédié.

L’expérience qu’ils ont acquise en interne pour héberger Amazon va leur donner une grande longueur d’avance sur beaucoup de gros hébergeurs classiques, qui vont rapidement se retrouver dépassés sur ses sujets et le gros changement de paradigme du cloud public. Microsoft et Google vont emboiter le pas à AWS en utilisant eux aussi leurs expériences historiques. Cela à permis à ses trois acteurs de se placer en position de leader sur le marché du cloud publique.

Il fut compliqué pour les autres acteurs de s’aligner et de proposer des services d’une qualité aussi rapidement sans se ruiner en Recherche et développement. Et même si cela fut possible les autres acteurs ont continué d’investir massivement. Pour vous donner un ordre d’idée de la machine de guerre qu’est la Recherche et développement d’une entreprise comme Amazon, un fait simple : en 2018 Amazon a dépensé 22,6 milliards de dollars en recherche et développement (plus grosse dépense de Recherche et développement au monde), très peu, voir aucun acteur en dehors des GAFAMs ne peut investir de telles sommes.

Recherche et développement

On se retrouve donc avec des acteurs qui ont littéralement des années d’avance. Ce qui nous fait rentrer dans une boucle, leurs avances font venir des clients, donc leur font rentrer de l’argent pour améliorer toujours plus leurs services et attirer de nouveaux clients.

Le virage du PaaS

Comme le dit le fameux adage: le cloud c’est juste l’ordinateur de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas nouveau et ça existait depuis pas mal d’années, mais là où les géants on sût disrupter comme disent les jeunes startupeurs, c’est sur le service. À l’époque ou Amazon développe son cloud, la grande majorité des concurrents propose surtout des offres d’infrastructure, c’est-à-dire de la machine virtuelle et du réseau (IaaS), or a cette époque va se démocratiser la notion de service managé PaaS qui va changer profondément le marché.

Plutôt que louer des serveurs qu’il faut gérer au niveau système maintenir et sécuriser notamment, le PaaS va vous proposer directement des Middlewares prêts à l’emploi et gérés par l’hébergeur. Cela peut paraitre très basique, mais ça été un réel changement de paradigme, réduisant la charge de maintenance et en rendant plus accessible à tous beaucoup d’infrastructure. Cela vient d’une approche très business : vous gérez ce sur quoi vous apportez de la valeur ajoutée le reste vous le sous-traitez.

Ce virage a été assez brusque, notamment grâce à des budgets d’innovation démentielle comme je le disais précédemment. Les acteurs alternatifs se sont un peu retrouvés perdus sur ce point et ont tardé à réagir, ce qui avait laissé par mal d’avance sur le marché aux Google, Microsoft et Amazon.

Verrouiller le marché

Donc là vous vous dites ils ont de l’avance c’est tout, mais vous vous doutez bien que ce n’est pas aussi simple. Quand vous êtes leader du marché, votre objectif est bien sûr de le rester, pour ça il faut établir une position de domination sur le long terme. Pour cela il y a des armes destructrices que ces entreprises ont utilisées en masse.

  • Le réseau de partenaires

La plus efficace, les partenariats, rendez-vous dans la majorité des écoles aujourd’hui, elles sont partenaires d’AWS, Azure ou encore GCP, ce qui permet aux étudiants de découvrir ses technologies le plus souvent gratuitement. Mais alors, ces entreprises que je décrivais plutôt comme de méchantes sociétés capitalistes prêtes à tout pour écraser son prochain, sont-elles devenues de belles entreprises bienveillantes œuvrant pour le bien de l’humanité ? La réponse est bien sûr non, le but est là de conditionner les étudiants, si dans leurs formations vous leur apprenez uniquement certaines technologies ils iront naturellement vers ses choix qu’ils connaissent et qui sont rassurant pour eux une fois en entreprise.

Prenons un exemple, une étudiante qui s’appelle Éloise, elle étudie dans une école d’informatique dans le but d’obtenir un master en architecture des systèmes d’information. Dans ses cours, elle a les grandes technologies classiques qui sont utilisées aujourd’hui, mais aussi les nouvelles comme le cloud. Pour le module cloud elle va utiliser Azure, ce qui est parfait vu que son cursus a déjà signé de nombreux partenariats avec Microsoft pour les cours de système. Elle va apprendre Azure et se concentrer dessus pour son examen, elle n’aura pas le temps de s’attarder sur une autre technologie. Elle réussit son examen haut la main, Microsoft l’invite à passer une certification gratuitement, elle la passe et la réussi là encore sans problème. Éloise décroche son master quelques mois plus tard, elle est comme tous les étudiants informatiques débauchés par de nombreuses entreprises, en majorité des ESN. Elle finit par accepter l’une d’entre elle qui lui propose un bon salaire au vu de sa certification et lui propose de passer les niveaux supérieurs. Entre temps elle se rend chez un client qui lui demande conseil dans la mise en place du cloud publique, il n’a pas le temps de traiter le sujet c’est pour cela qu’il fait appel à l’ESN. Éloise qui est dans ça première mission va chercher à ne pas être perdu et donc choisir Azure qu’elle maitrise. De certification en certification de client en client elle deviendra une experte Azure, sans jamais avoir eu le temps ni les moyens d’élargir le champ des choix.

Cette petite histoire est en réalité proche de la réalité et assez courante, et ne blâmons pas Éloise, la grande majorité des personnes dans cette situation se serait rassurée en choisissant un terrain connu. Vous me direz, ben c’est la faute de l’école elle ne doit pas faire ça ! Mais pour avoir travaillé en école, la réalité est bien moins simple. Elles n’ont souvent pas le choix, les technologies évoluent TRÈS rapidement et très souvent il est impossible d’avoir des experts sur les nouvelles technologies ni des cours complets et récents sans dépenser des sommes astronomiques. Alors quand Microsoft se présente devant la porte et propose un pack qui donne des crédits Azure à tous les étudiants et surtout des cours adaptés aux technologies modernes avec des experts le tout gratuitement, les écoles foncent. Cela n’est pas nouveau j’ai connu les cours de Microsoft serveur sponsorisé très largement, les cours d’Oracle et j’en passe. La majorité des étudiants n’auront jamais le recul, ou le temps de tester et d’apprendre des technologies autres d’eux-mêmes.

Big Data is Watching you

Ce principe de partenaire est utilisé à la quasi identique sur les entreprises elles-mêmes qui ont tout un système de certification. Tout en apportant un effet boule de neige, si vous chercher de la main d’oeuvre en prestation ou interne, vous aurez une grande majorité d’expert cloud AWS, Azure ou Google.

  • Le lobbying

Et là arrive l’arme ultime : le lobbying, le grand classique dans lequel je vais parler de pas mal de petites actions qui misent bout à bout ont un impact sur le classement. Le plus frappant est le coup classique pour attirer les nouveaux clients sont les offres d’essais. Demain vous montez un startup pour disrupter un domaine ? Vous pouvez êtes sûr que rapidement vous allez avoir de belles offres de Google, Azure et AWS sans parler de leurs offres d’essai. Vous allez me dire que cela leur coûte cher, mais c’est très lucratif, les clouds sont assez fermés un changement demande de revoir beaucoup de choses, donc une fois l’offre promotionnelle terminée les utilisateurs y reste. D’ailleurs si vous regardez du côté des fameux incubateurs de startup par exemple Station F, ils sont très présents afin d’influencer au maximum ces nouvelles pousses.

Le lobbying ne s’arrête pas aux dernières entreprises de la startup nation, mais s’attaque bien sûr aux bonnes veilles DSI bien velue ! Vous êtes DSI vous n’avez pas suivi le virage du cloud, mais bon il faut que votre entreprise y passe c’est une question d’image vis-à-vis de la direction et des clients. Vous devez faire un choix, vous n’avez pas le temps de demander à l’extérieur, vous faites quoi ? Ben vous choisissez quelque chose que personne ne vous reprochera ! Jamais des dirigeants ne vont reprocher à une personne un choix d’un mastodonde qui a fait ses preuves. Si le projet de migration échoue avec AWS, la faute sera remise sur le temps la gestion ou tout autres élément aléatoire. Par contre, si le même responsable avait fait un choix moins commun comme OVH dès lors que le projet aurait loupé la faute aurait été mise sur ce choix. Le responsable choisit donc le choix politique : Azure, GCP, AWS

  • Le service

Il faut bien reconnaître les fournisseurs américains ont aussi compris un élément simple, le client est roi. Vous avez fait une erreur et vous avez laissé un cluster de tests allumé dans le vide une semaine ? Le service client d’Amazon vous proposera surement une solution pour le rembourser, ce coût pour eux et en réalité faible, car vous serez satisfait de leurs services, donc pas prêt de partir.

Leurs services très souvent ne sont pas que techniques, quand une grande entreprise fait un appel d’offres il y a des contraintes de conformités et beaucoup d’autres choses. Les acteurs américains ont une démarche très rodée, ils vont fournir tous les documents rapidement et en n’hésitant pas à s’adapter au besoin. Sans compter qu’ils n’hésitent pas à certifier TOUS les services possibles sur leurs clouds aux grands classiques comme les normes ISO ou encore HDS. Pour les grands comptes, c’est un aspect ultra important qui explique que beaucoup de contrats de santé notamment arrivent chez les Google, Amazon, Microsoft plutôt que chez les acteurs français malgré le Cloud Act. Des acteurs alternatifs font certifier les services, mais pour beaucoup cela ne représente que 2 à 3 services de leurs cloud ce qui est souvent insuffisant.

  • Le coût de la migration

C’est un point qui à mon sens est souvent trop cité, mais il est réel. Passer d’un cloud à l’autre aura souvent un très gros coût, entre la réécriture du code, le coût des transferts de données c’est très lourd. Après je pense que quelque soit le cloud, passer de l’un à l’autre aura toujours un coup il n’y a pas de standard assez complet pour fournir un cloud commun, Open Stack est un début, mais ne fournit qu’une petite partie des services managés d’un cloud public en 2020.

Ces techniques ne sont clairement pas nouvelles et ont été éprouvées dans de nombreux autres domaines. J’aurais aussi pu aborder l’effet de mode, mais je pense que celui-ci est venu bien après et il est fortement lié aux points déjà cités. J’en ai surement oublié, et je vous invite à me dire ce que vous en pensez j’ai donné ma vision de consultant technique.

Conclusion

Une lumière au fond du tunnel ?

Je pense qu’il y a beaucoup à apprendre de la parts des géants du web et pas uniquement sur la technique. Aujourd’hui on peut dire qu’on a des alternatives viables comme celle déjà citée : Alibaba cloud, OVH, Clever Cloud, Outscale, Scaleway ! Ils n’ont effectivement pas autant de service managé qu’AWS, mais ils commencent à avoir le minimum de services nécessaires à la plupart des projets à l’heure actuelle : Du Kubernetes managé, du stockage objet, des machines virtuelles, des bases de données managées des équilibreurs de charge efficaces et surtout des outils et APIs fonctionnels (ils ont des providers Terraform adaptés). Un peu de chemin est encore à faire, la gestion des comptes IAM, les réseaux virtuels privés et le FaaS sont encore trop souvent aux abonnés absents, même si je félicite Scaleway pour ses développements récents sur ses sujets.

Alors pourquoi on met tant de temps à rattraper ce retard ? Ces acteurs ont dû se dépasser pour rattraper la recherche et développement et les investissements des grands acteurs Américain et surtout se remettre en question, cela a pris du temps, mais le développement des outils OpenSource comme Kubernetes ou encore OpenStack a permis de mutualiser les efforts et d’avoir des solutions efficaces.

Maintenant que la technique est là il faut passer à l’offensive commerciale qui a déjà commencé, OVH est très présent à Station F, Scaleway a mis en place de belles offres d’essais. En continuant sur cette voie, il se pourrait bien que le marché du cloud public change enfin de visage pour devenir plus varié.

Il faut aussi soutenir l’éducation, nouer des réseaux de partenaires solides ! Et faire certifier les services pour pouvoir attaquer les grand-comptes, on reparlera des certifications et de tout ça dans un prochain article.

Mais pour que ces nouveaux acteurs se démocratisent il faut une chose, que nous les personnes de la technique arrêtions de répéter des patterns, tester ces nouvelles alternatives et les proposer pour pousser vers un web différent est plus diversifié !

Généré avec Hugo
Thème Stack conçu par Jimmy